Répartition des groupes d’âge de Glossina palpalis
palpalis femelle dans les plantations et les talwegs en zone
forestière de Côte d’Ivoire.
Relation
avec la prévalence de la maladie du sommeil. |
B.
Sané (1), A. Garcia (1, 2), F. Fournet (1, 2) & C. Laveissière
(2, 3)
http://www.pasteur.fr/sante/socpatex/pdf/1999n3/Sane.pdf
(1)
Institut Pierre Richet, Organisation de coordination et de coopération
pour la lutte contre les grandes endémies (OCCGE),01 BP 1500,Bouaké
01,Côte d’Ivoire..
(2)
Institut de recherche pour le développement (IRD, ex ORSTOM),BP
5045,Montpellier, France.
(3)
Organisation de coordination pour la lutte contre les endémies en
Afrique centrale (OCEAC),BP 288, Yaoundé, Cameroun.
Manuscrit
n° 2004. “Entomologie médicale”. Reçu le 22 octobre 1998.
Accepté le 27 mai 1999. |
Summary:
Age Group Distribution of Females Glossina palpalis
palpalis in Plantations and Shallow Water in Côte d’Ivoire
Forest Zone. lationship
with Sleeping Sickness Prevalence. In epidemiologically dangerous biotopes of foci with
high prevalence of Human African Trypanosomiasis (HAT),
different female age groups (nulliparous, young parous, old
parous) were observed in the same proportions. On the
contrary, in areas without HAT or in low prevalence foci (<
0.2%), these proportions significantly differed. Female age
group distribution in epidemiologically dangerous biotopes
could thus be a good indication by which to guide the control
of Human African Trypanosomiasis (HAT). |
Key-words:
Human African Trypanosomiasis - Prevalence - Glossina -
Physiological age - Forest - Plantation
- Vector - Glossina
palpalis palpalis - Côte
d’Ivoire (Ivory Coast) - Subsaharian Africa |
|
Résumé
: Les proportions des groupes d’âge des femelles capturées
(nullipares, jeunes pares et vieilles pares) sont équivalentes
dans les biotopes épidémiologiquement dangereux des foyers
à haute prévalence. Par contre, dans les foyers à faible prévalence
(< 0,2%) ou indemnes de trypanosomose humaine africaine
(THA), les groupes d’âge des femelles capturées dans ces mêmes
biotopes diffèrent de façon significative. La répartition
par tranches d’âge des femelles dans les biotopes épidémiologiquement
dangereux pourrait être un outil parmi d’autres, pour
orienter les actions de lutte dans un foyer de trypanosomose
humaine africaine (THA). |
Mots-clés
: Trypanosomose humaine - africaine - Prévalence - Glossine -
آge - Forêt -
Plantation - Vecteur - Glossina
palpalis palpalis - Côte
d’Ivoire - Afrique intertropicale. |
|
Introduction
Le vecteur majeur de la
trypanosomose humaine en zone forestière de Côte d’Ivoire est Glossina
palpalis palpalis ( 6 ) . Le contact de l’homme avec le
vecteur a lieu essentiellement sur les lieux de travail, dans les
plantations et les talwegs, qui constituent des biotopes épidémiologiquement
dangereux (4, 10, 11). L’aptitude d’une glossine à
s’infecter, à permettre une maturation des trypanosomes dans son
organisme et à transmettre des formes infectantes dépend notamment
(4, 10, 11) :
-
du milieu (climat, végétation) ;
-
du comportement alimentaire et dispersif du vecteur et des hôtes
nourriciers dans le milieu, comportement pouvant favoriser ou non un
contact suffisamment intense et/ou régulier entre l’hôte et le
vecteur ;
-
de l’âge de la glossine vectrice.
L’âge du vecteur intervient à deux niveaux dans la transmission
de la maladie du sommeil. D’une part, la population
glossinienne doit compter un nombre suffisant de très jeunes
glossines car la glossine pourrait physiologiquement s’infecter
beaucoup plus facilement si son premier repas est pris sur un hôte
malade. En effet, le taux de lectines produites dans l’intestin
moyen a un pouvoir lytique sur les trypanosomes ingérés avec le
repas de sang. Ce taux de lectine augmente avec le n o m b re de
repas de sang, expliquant en cela la plus forte aptitude des jeunes
mouches tsé-tsé à perm e t t re le développement complet du
trypanosome (16). D’autre part, la longévité de la glossine
infectée doit être suffisante pour que le trypanosome achève son
cycle évolutif et que la glossine puisse transmettre une forme
infectante à l’hôte (14, 16). La détermination de l’âge ne
peut être obtenue de manière précise que, chez les glossines
femelles, par la dissection des ovaires qui permet de distinguer
trois groupes (2, 8) :
-
les nullipares âgées de 1 à 10 jours; les ténérales c’est-à-dire
les mouches tsé-tsé qui n’ont encore pas pris leur premier re p
a s (1) appartiennent à ce groupe ;
-
les jeunes pares âgées de 11 à 40 jours ;
-
les vieilles pares âgées de 40 à 80 jours.
L’étude de l’âge des glossines et de leur répartition
spatiale dans un foyer pourrait contribuer à une meilleure compréhension
du phénomène de transmission de la trypanosomose humaine africaine
(THA). Notre objectif est d’étudier, dans les biotopes
potentiellement dangereux, la distribution des 3 groupes d’âge décrits
précédemment et ses variations, en fonction du niveau de prévalence
de la maladie dans différents foyers. |
Matériels
et méthodes
Les études sont menées dans 5
foyers situés au centre - o u e s t de la Côte d’Ivoire :
Vavoua, Sinfra, Zoukougbeu, Daniafla et Gagnoa. Ce sont toutes des régions
à vocation agricole (culture de café et cacao), dans lesquelles la
prévalence de la maladie du sommeil diffère notablement (tableau
I), Daniafla et Gagnoa représentant des zones indemnes de THA au
moment des enquêtes (12, 15). La composition de la population
humaine est semblable dans ces régions : environ un quart de la
population autochtone appartenant au groupe Krou cohabite avec des
allogènes venant des régions de savanes de Côte d’Ivoire, du
Mali et du Burkina-faso. On retrouve, avec des pro portions très
proches, les mêmes ethnies dans les 5 zones d’étude (Sénoufo,
Baoulé, Mossi). Les captures de G. p. palpalis sont faites
dans deux types de biotopes (plantations et talwegs) par piégeage
au moyen de pièges biconiques, disposés à raison d’un piège
par biotope (3). Dans les foyers de Vavoua, Zoukougbeu, Daniafla et
Gagnoa, 80 talwegs et 80 plantations ont été échantillonnés et
ont donné lieu à des captures durant quatre jours consécutifs. ہ
Sinfra, alors que le nombre de plantations étudiées est similaire
(80), seuls deux talwegs boisés ont pu être échantillonnés. Les
captures ont également été réalisées durant quatre jours consécutifs.
Les glossines ont été récoltées matin et soir selon les mêmes
procédures. L’âge physiologique des femelles a été déterminé
par dissection des ovaires et recherche des reliques folliculaires
(2). L’identification des glossines ténérales a été basée
sur l’observation d’un sac brun d’origine larvaire situé dans
l’intestin moyen des glossines disséquées (9). Les enquêtes ont
été réalisées lors des explorations successives des différents
foyers de 1985 à 1993. Les captures ont toutes eu lieu en novembre,
période de forte activité agricole nécessitant une importante
concentration humaine près des gîtes à glossines. Le décalage
des enquêtes dans le temps rendrait difficilement interprétable la
comparaison des différents foyers entre eux. Nous avons donc réalisé
les analyses par foyer afin de rechercher si, à un moment donné
(novembre, du fait de la forte disponibilité des hôtes humains),
la distribution des groupes d’âge variait en fonction du niveau
de prévalence. Le test du c2 de Pearson a été utilisé avec un risque de première espèce de 5 %. |
Résultats
Les résultats par biotope et
par foyer sont présentés dans le tableau I. Les densités
apparentes (DAP) évaluées ne ont pas homogènes. Elles sont très
importantes dans les plantations de Daniafla où la prévalence de
la maladie est nulle et faibles dans celles de Gagnoa et surtout
Sinfra où la prévalence de la maladie est la plus élevée. Dans
les talwegs, les fortes densités ont été observées à Sinfra et
à Zoukougbeu. Dans les zones à faible prévalence, les groupes
d’âge diffèrent aussi bien dans les plantations que dans les
talwegs (p < 1 0- 3 à
Zoukougbeu, Gagnoa ou Daniafla), avec de fortes pro portions de
mouches âgées au détriment des nullipares. Cependant, ce déséquilibre
est moins net en zone de plantations à Zoukougbeu où la prévalence
de la THA est intermédiaire. Les résultats sont moins homogènes
dans les foyers à prévalence importante. Ainsi, à Vavoua (prévalence
1,7 %), les trois groupes d’âge ne varient significativement pas,
quel que soit le biotope (p = 0,2 et p = 0,74 respectivement pour
les plantations et les talwegs).
ہ
Sinfra (prévalence 2,5 %), cet équilibre se retrouve dans les
plantations (p >0,10), alors que le déficit en nullipares est
significatif en zone de talwegs boisés. Le nombre limité de
talwegs échantillonnés et le faible effectif de mouches pourraient
expliquer ces résultats après un manque de puissance. Ainsi, en
regroupant les deux types de biotopes, nous retrouvons la même
tendance pour l’ensemble des foyers, le pourcentage de nullipares
étant de 35,5% à Sinfra, 33,6% à Va v o u a , 2 9 , 8 % à
Zoukougbeu, 19,1% à Daniafla et 21,4 % à Gagnoa. |
Discussion
& conclusion
Les densités apparentes observées
dans les différentes localités seraient en relation avec les
conditions de survie des
glossines
(5, 13). Les zones à forte densité ne sont pas, comme l’ont
observé différents auteurs, celles où la prévalence de la THA
est la plus élevée (7). La structure de la population de glossines
dépend fortement du climat, de la végétation et de la
distribution spatiale des hôtes nourriciers (5, 13). L’action de
l’homme sur le milieu, pour les activités agricoles, peut
progressivement le modifier et entraîner une variation de la
structure de la population qui quitte l’état d’équilibre théorique
dans laquelle elle se trouverait idéalement. Son comportement en période
de cueillette (disponibilité de l’homme dans les gîtes) pourrait
ainsi favoriser le contact homme/glossine nécessaire pour une
transmission de la maladie (11). Cependant, la transmission de la
maladie par le vecteur n’est possible et intense que lorsque
d’une part , la population glossinienne compte un nombre suffisant
de très jeunes glossines et, d’autre part, la longévité de la
glossine infectée est suffisante pour que le trypanosome achève
son cycle évolutif et que la mouche puisse transmettre une forme
infectante à l’hôte (14, 16). Nos résultats confirment cette
hypothèse. Le changement progressif de la dynamique des populations
glossiniennes, lié au comportement de l’homme, pourrait expliquer
l’évolution cyclique de l’endémie observée dans de nombreux
secteurs forestiers de la Côte d’Ivoire.
Dans les zones comme Daniafla et Gagnoa, bien que le vecteur
et l’homme cohabitent dans des biotopes à haut risque, la faible
pro portion de nullipares pourrait représenter un handicap au développement
de la trypanosomose malgré l’éventuelle présence d’un réservoir
animal. La valeur intermédiaire retrouvée à Zoukougbeu (29.8 % de
nullipares tous biotopes confondus) où la prévalence est faible
est également un argument en faveur de cette possibilité. Tout
porte à croire que la transmission de la THA ne se fait de façon
intense que lorsque l’homme est disponible dans un milieu où il
existe quelques porteurs de trypanosomes et où les trois groupes
d’âge de femelles sont en équilibre. Il importerait donc de réaliser
une étude semblable, la même année à des périodes différentes,
sur des zones comparables mais où la prévalence diffère, afin de
consolider nos résultats. Si ces hypothèses se confirmaient,
l’analyse de la répartition des groupes d’âge des glossines
femelles dans des biotopes épidémiologiquement dangereux en zone
fore s t i è re pourrait constituer un outil, parmi d’autres,
pour orienter les actions de lutte dans un foyer. |
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